Legal Ops : stratégies et conseils de 3 expertes pour transformer votre direction juridique
Dans cet article, trois expertes ayant mené des projets de Legal Operations au sein de Directions Juridiques, partagent leurs approches et expériences pour vous aider à transformer vos pratiques.
Le Legal Ops joue un rôle clé dans la transformation des directions juridiques : simplification des processus, gains d’efficacité, amélioration de la collaboration avec les autres équipes, etc. Pourtant, en France, contrairement aux États-Unis, cette fonction reste souvent reléguée au second plan. Elle est encore perçue comme un soutien optionnel, alors qu’elle s’avère être un véritable levier stratégique.
Dans cet article, trois expertes ayant mené des projets de Legal Operations au sein de Directions Juridiques, partagent leurs approches et expériences pour vous aider à transformer vos pratiques.
Anne-Sophie Cissey, General Counsel chez Kaiko, a mis en place un outil pour maximiser l’efficacité de son équipe juridique. Émilie Calame est la fondatrice et CEO de Calame, société spécialisée dans les Legal Operations. Laurie David-Henric, actuellement Head of Legal, Compliance, IP global operations chez la biotech argenx, a porté deux casquettes au cours de sa carrière entre l’Europe et l’Amérique du Nord : juriste et Legal Ops.
Leurs retours d’expérience vous donneront des solutions concrètes pour faire du Legal Ops un atout stratégique au service de votre direction juridique.
Conseil n°1 : Faire un état des lieux
Optimiser les processus d’une direction juridique commence par la réalisation d’un état des lieux global. Cela peut sembler complexe de prime abord. Mais l’essentiel est de savoir se poser les bonnes questions et de prioriser. Vous devez analyser les processus en place pour trouver les points de blocage et les axes d’amélioration.
Lorsqu’Anne-Sophie est arrivée chez Kaiko, elle a endossé (temporairement) le rôle de Legal Ops (en plus de son poste de General Counsel) et s’est posée plusieurs questions clés, notamment :
- Qu’est-ce que l’équipe juridique fait bien aujourd’hui ?
- Quelles sont ses faiblesses ?
- Comment définir une roadmap claire en priorisant les dossiers importants à traiter rapidement ?
- Comment améliorer l’efficacité de mon juriste unique, sachant que nous ne pouvons pas recruter immédiatement un juriste supplémentaire ?
En se posant les bonnes questions et en identifiant les besoins de son juriste unique, Anne-Sophie a pu déterminer les actions prioritaires à mener : “J’ai constaté que mon juriste, au lieu de se concentrer sur le cœur de son métier, passait une grande partie de son temps sur des tâches chronophages, comme l’élaboration de devis et la gestion des contrats commerciaux. Cela représentait 90% de sa charge de travail”.
Face à ce constat, afin que son juriste puisse se libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée, elle s’est tournée vers Tomorro, notre solution de gestion des contrats intégrant un assistant IA pour optimiser chaque étape de vie des contrats.
🗣️ Les 3 conseils clés de Laurie pour mener à bien cet état des lieux
Laurie, Head of Legal, Compliance, IP global operations chez la biotech argenx, combine expertises juridique et opérationnelle. Ancienne juriste corporate ayant exercé en cabinet puis en entreprise, Laurie a progressivement étendu son rôle en créant des fonctions globales dédiées à la gestion de projets internationaux et à l’optimisation des processus internes. Elle a également occupé le premier poste de Legal COO dans l’une des plus grandes entreprises mondiales, avant de revenir en France après 10 ans en Amérique du Nord.
Forte de ses expériences, Laurie vous partage sa méthode pour réaliser un état des lieux efficace :
- Commencez par interviewer vos collaborateurs : faites un tour d’horizon de votre cercle proche, c’est-à-dire l’équipe juridique. Ensuite, élargissez aux autres équipes. L’objectif est d’identifier les problématiques propres à chaque équipe et de repérer les points de convergence.
- Une fois ces problématiques identifiées, vous pouvez définir les actions à mettre en place.
- Organisez ensuite ces actions par sujets ou thèmes, puis identifiez pour chaque son ratio impact vs temps et complexité.
- Laurie recommande de définir les principaux points de blocage et de créer une première roadmap sur 12 mois. Cette approche permet de mettre les sujets à plat et d'identifier la capacité d'absorption de l’entreprise tout en garantissant une vision claire des priorités et en facilitant une résolution progressive des blocages.
Ne négligez surtout pas cette étape fondatrice : poser les bonnes questions dès le départ permet d’identifier les actions prioritaires à mettre en œuvre.
Conseil n°2 : Définir ses priorités et créer une roadmap
Une fois l’état des lieux réalisé, l’étape d’après consiste à définir des priorités claires et à construire une roadmap. Une roadmap est un outil stratégique permettant d’aligner les actions sur les objectifs principaux de l’organisation. Le but est de sélectionner les chantiers les plus pertinents selon des critères clairs.
Émilie, fondatrice de Calame, estime qu’il est essentiel de commencer par identifier 3 ou 4 problématiques prioritaires. D’après elle, “3 critères sont particulièrement utiles pour déterminer le problème avec le meilleur ROI. Pour cela, évaluez chaque sujet en vous posant les trois questions suivantes :
- Quel est le sujet le plus chronophage ?
- Quel est le sujet le plus pénible ?
- Quel est le sujet le plus récurrent ?”
Ensuite, créez une matrice. Elle vous permettra de visualiser le niveau de complexité et le ROI de chaque problématique. Vous serez alors en mesure de prioriser facilement les problématiques offrant un retour sur investissement élevé avec une résolution simple. "La signature électronique est souvent un bon point de départ" conseille Émilie.
Chez Kaiko, le plus chronophage, pénible, récurrent et facile à résoudre, c’était la gestion des contrats. Anne-Sophie avait déjà implémenté Tomorro dans sa précédente entreprise, Flowdesk. Elle arrivait donc facilement à estimer le ROI qu’elle en retirerait (réduction des risques contractuels, gains d’efficacité importants…). Elle justifie son choix de résolution ainsi : “Soit je recrutais un paralégal, soit je mettais en place un outil. Je savais déjà ce que j’allais obtenir en implémentant Tomorro. Mon expérience chez Flowdesk m’a appris que, dans le Legal Ops, il est essentiel de choisir la bonne personne au bon moment. Démontrer le ROI d’un recrutement pour une fonction support, ce n’est jamais évident.”
💡 Les 5 critères ayant motivé Anne-Sophie à choisir Tomorro
- Gain d’efficacité : en automatisant certaines tâches chronophages, Tomorro permet à l’équipe juridique de se concentrer sur des missions à forte valeur ajoutée.
- Traçabilité optimisée : l’outil centralise les communications avec les clients, renforçant la transparence et la conformité dans la gestion des dossiers.
- Intégration fluide avec Salesforce : cette fonctionnalité clé a facilité la collaboration entre les équipes juridique et commerciale, réduisant les frictions et augmentant l’efficacité globale.
- Souveraineté des données : conçu pour répondre aux besoins d’une entreprise française, Tomorro garantit la protection des données sensibles, sans transfert automatique vers des juridictions étrangères.
- Polyvalence : Tomorro va au-delà des aspects juridiques et permet de gérer également le suivi des transactions et des reçus.
Lors de la mise en place de votre roadmap, veillez à l’adapter aux besoins et à la croissance de votre entreprise. Dans le cas d’Anne-Sophie, sa roadmap devait pouvoir s’adapter à la forte croissance de son entreprise et à un marché difficile à anticiper. "J’ai dû ajuster ma roadmap au fur et à mesure, tout en me concentrant sur des priorités comme la conformité, l’archivage des contrats, la transmission de l’information ou encore l’amélioration du lien entre les équipes." témoigne-t-elle.
🗣️ Le conseil d’Anne-Sophie pour établir sa roadmap
“Veillez à inclure dans votre roadmap un mélange de “quick wins” pour obtenir rapidement des résultats visibles, ainsi que de projets à long terme pour des améliorations durables”.
Conseil n°3 : Mettre en place des quick wins
Dans une démarche de transformation juridique, commencez par des actions rapides et concrètes. Les bénéfices rapides et visibles en découlant vous permettront de renforcer l’adhésion des équipes concernées.
Pour Laurie, l’identification des quick wins dépend du contexte spécifique de chaque organisation : "Un tour d’horizon initial permet de repérer les actions à fort ROI et faible investissement. Par exemple, améliorer la communication est souvent simple et rapide à mettre en place. Structurer les données existantes peut également produire un impact significatif en peu de temps”.
Emilie recommande toujours de commencer par des actions rapides et concrètes, plutôt que par des projets trop longs. “Lorsque les collaborateurs constatent que les petits problèmes se résolvent progressivement et que les choses évoluent, ils perçoivent immédiatement les bénéfices du Legal Ops et ont envie de poursuivre dans cette dynamique ! Cela facilite également la conduite du changement” explique-t-elle.
💡 Les 2 bénéfices rapides qu’a retiré Anne-Sophie en implémentant Tomorro
Anne-Sophie a implémenté la plateforme Tomorro pour optimiser la gestion contractuelle de son entreprise. "Grâce à Tomorro, nous avons optimisé nos processus et gagné en agilité. Si le process n’est pas optimal, on le réajuste immédiatement." explique-t-elle.
Concrètement, elle a constaté deux principaux bénéfices :
- Une meilleure répartition des rôles : auparavant, le juriste unique assumait également des responsabilités commerciales. Avec Tomorro, les rôles ont été clarifiés : le juriste se concentre désormais sur les clauses contractuelles, tandis que le commercial gère les aspects commerciaux. Cette séparation a permis de standardiser les contrats et a renforcé l’efficacité de chacun.
- Une traduction automatique : “La fonction de traduction intégrée de Tomorro est devenue indispensable au quotidien. Elle facilite le travail sur les contrats multilingues et accélère leur traitement” témoigne Anne-Sophie.
Conseil n°4 : Assurer la conduite du changement
Pour garantir le succès des initiatives de Legal Ops, maîtriser la conduite du changement est indispensable. Les meilleures solutions ou processus n’ont aucune utilité si les équipes ne les adoptent pas.
Le commercial doit voir le juriste comme un atout et non comme un frein. Pour cela, Anne-Sophie insiste sur l’importance de construire une relation de confiance avec les parties prenantes : "Le Legal est le point de contact. Nous sommes là pour faciliter les choses. Mais cela demande énormément de communication : accompagner le commercial, participer à des appels avec les clients, passer du temps avec la finance."
🗣️ Les 3 étapes clés de Laurie pour mener le changement avec succès
Étape 1 : impliquez dès le départ toutes les équipes et parties prenantes clés, surtout celles susceptibles de résister au changement. Intégrer ces acteurs dès les premières étapes, voire lors de la conception même du plan, est essentiel pour garantir l'adhésion et l'alignement.
Étape 2 : structurez le projet autour de groupes de travail dédiés. Cela permet de rassembler toutes les personnes directement ou indirectement impactées par le changement. Ces groupes offrent un cadre structuré pour discuter des enjeux, partager des idées et résoudre collectivement les problématiques potentielles. Cela favorise une meilleure compréhension des objectifs et une réduction des résistances.
Étape 3 : en complément, mettez en place un advisory panel, composé de cadres supérieurs de l’organisation. Cela apporte une dimension stratégique au projet. Ces membres, bien qu’ils n’aient pas de rôle décisionnel direct, jouent un rôle clé en guidant leurs équipes dans l’adoption des nouvelles pratiques. Leur influence et leur soutien renforcent la légitimité des initiatives et facilitent leur mise en œuvre à tous les niveaux de l’organisation.
💡Bon à savoir : si vous recrutez un Legal Ops, pensez stratégiquement son rattachement hiérarchique. "Pour maximiser leur impact, les Legal Ops doivent être rattachés à un niveau élevé, comme la direction générale ou le directeur juridique. Sinon, ils risquent de devenir une fonction segmentée et inefficace." souligne Emilie.
Conseil n°5 : Faire du Legal Ops une priorité
Notre étude sur les juristes de la French Tech 2024 révèle que les juristes en France endossent fréquemment, en plus de leurs responsabilités principales, le rôle de Legal Ops. Cette double casquette peut s’avérer problématique, comme le souligne Émilie : "Le juriste va toujours prioriser ses dossiers juridiques par rapport aux sujets Legal Ops. Cela crée de la déception, autant pour le juriste que pour les personnes qui l’ont missionné. Il faut du temps, de la bande passante et un budget dédié pour réussir. Or, les juristes sont bien souvent surchargés, ce qui laisse peu, voire pas de temps pour les sujets de Legal Ops". C’est pourquoi il est important d’avoir une personne entièrement dédiée au Legal Ops, qu’elle soit interne ou externe.
La culture juridique aux États-Unis offre au Legal Ops une place bien plus importante que celle qui lui est réservée aujourd’hui en France. Laurie a constaté que : "En Amérique du Nord, le Legal Ops est indispensable. Là-bas, il fait partie des premiers recrutements. Il n’est même pas nécessaire d’avoir une équipe juridique pour ressentir ce besoin. En France, il est encore perçu comme un bonus, la cerise sur le gâteau."
Laurie explique que cette approche pragmatique reflète une culture plus contentieuse où l’optimisation des processus et la réduction des coûts sont prioritaires. Ce décalage culturel s’explique aussi par une perception différente : en France, le juriste est vu principalement comme un spécialiste que l’on consulte lorsque l’on pense en avoir le besoin ou l’obligation, tandis qu’aux États-Unis, il est principalement le partenaire qui facilite le business et la génération de revenu tout en assurant le respect de l’aspect technique.
Pour autant, la France pourrait bien profiter de ce décalage entre les deux cultures, comme le soulève Émilie : "Les États-Unis ont 20 ans d’avance en matière de Legal Ops. Cela nous permet de tirer parti de leurs pratiques éprouvées, tout en évitant les erreurs qu’ils ont commises. Voyons cela comme une opportunité d’aller plus vite et de ne conserver que le meilleur."
Conclusion :
Le Legal Ops, c’est bien plus que des outils ou des processus performants. Il s’agit avant tout d’une approche stratégique, plaçant l’efficacité et la collaboration au cœur des directions juridiques.
Pour vous aider à mettre en place des actions de Legal Operations efficaces, nous avons récapitulé les étapes clés pour structurer votre plan d’actions :
- Prenez le temps d’évaluer les besoins, les blocages et les axes d’amélioration des process de votre équipe juridique. Un état des lieux bien mené est essentiel.
- Identifiez les initiatives qui offrent le meilleur retour sur investissement avec des efforts faciles à réaliser.
- Mettez en place des quick wins pour démontrer rapidement les bénéfices du Legal Ops, tout en embarquant les équipes dans une dynamique positive.
- Impliquez toutes les parties prenantes dès le départ grâce à une communication claire et des réunions de groupes.
- Donnez au Legal Ops la place qu’il mérite. Les Legal Operations ne sont pas des tâches secondaires, mais essentielles pour une équipe efficace et une bonne répartition des tâches sur le long terme.